Outils collaboratifs : ne m’expliquez-pas comment, dites-moi pourquoi…
Transition numérique, télécommunications, informatique, internet – le développement des outils de communication, et donc de collaboration et de coopération, est sans précédent… Pourtant, derrière cette agitation se cache une réalité plus confuse : beaucoup d’organisations, et parmi elles, beaucoup d’entreprises en particulier, ont bien du mal à tirer parti de ces outils révolutionnaires. Il n’y a pas d’usage, ni de projet, sans finalité…
Des outils numériques plébiscités
Co-créer, co-innover, collaborer, participer, interagir, etc. Qui peut nier le fait que la « co »mmunication au sens strict du terme n’a jamais été aussi présente. Les NTCC pour « Nouvelles Technologies de la Communication et de la Coopération » ou l’ère du « co » par excellence…
Oui, la révolution numérique offre des opportunités d’interactions sans précédent.
Oui, l’information, bien qu’insensée, brute, filtrée par des sociétés privées, marketée à outrance, est quasi accessible à tous (encore faut-il savoir lire, décrypter, juger, mais nous ne traiterons ici pas cette importante objection…).
Oui, l’implication des individus n’a jamais été aussi « effective ». Quel que soit leur champ d’application, des sites participatifs fleurissent partout sur la toile. Ces « plateformes participatives » donnent la possibilité au citoyen, au collaborateur, au client, au fournisseur, au fan en tous genres de s’exprimer, et de penser et faire à plusieurs.
Oui, même le temps et la distance, ces concepts aussi vieux que la philosophie elle-même, sont en train de muter et de recouvrir des réalités nouvelles… Je m’égare.
Les Nouvelles Technologies permettent de concrétiser des projets qui n’étaient que des « concepts »…
Encore faut-il savoir pourquoi on les utilise…
Mais lorsqu’un outil est plébiscité, c’est toujours parce qu’il permet de servir un but qui dépasse son usage en question. C’est parce qu’il sert un projet. Le succès de ces innovations techniques témoigne du fait que ces « extensions communicatives numériques » ont un sens pour tous leurs utilisateurs.
Or, au-delà d’un « idéal collaboratif » nourri par ces nouveaux outils, cette volonté de « faire avec les autres » sert des intérêts personnels souvent plus profonds : communier, se rassembler, être identifié, bref, s’il ne restait qu’un mot : exister…
Par conséquent, quand certains soulignent les difficultés d’usage, d’appropriation, ou encore le désintérêt pur et simple pour des outils collaboratifs, soi-disant déconnectés de la réalité, on sent bien que le problème n’est pas l’outil en question. Le problème, souvent, c’est le « projet ». Le problème, c’est l’ambition que l’outil doit servir – cette ambition qui conditionne sa performance…
L’outil numérique n’est qu’un véhicule
L’outil de communication (et donc de coopération) numérique n’est pas à même de traiter seul un enjeu plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, il ne s’agit pas seulement de savoir utiliser un logiciel, de se former à de nouvelles pratiques ou de mettre en place un nouveau Système d’Information, etc. Il ne s’agit pas simplement de devoir communiquer des informations plus vite, de collaborer mieux qu’avant, ou plus qu’avant, ou autrement.
Il s’agit, et ce depuis toujours, de savoir pourquoi on fait les choses, afin que les outils, quels qu’ils soient, deviennent des moyens performants au service de la réussite de ce « pourquoi ».
Beaucoup d’organisations peinent à faire émerger des projets puissants, convaincants, fédérateurs. Quand ils ne sont pas factices, ils sont souvent mal communiqués et donc mal compris. Ce qui influe directement sur la capacité des outils numériques à servir une réalité « douteuse ».
Un projet, pour aboutir un jour, quel que soit le contexte, doit avoir un sens pour ses contributeurs. D’autre part, ces derniers doivent être reconnus pour leur contribution, ils doivent avoir les moyens de servir ce projet, avoir les compétences nécessaires. Alors seulement, l’outil en question, conçu et développé pour traiter les enjeux spécifiques liés au projet tiendra toutes ses promesses… Il arrive d’ailleurs parfois qu’un outil soit détourné de son usage initial – qu’il soit utilisé pour servir une ambition qui échappe aux concepteurs de l’outil eux-mêmes. Preuve encore que l’outil n’est qu’un véhicule.
L’entreprise traditionnelle est-elle un terrain favorable ?
Pas d’usage d’outils collaboratifs sans collaboration réelle
Au-delà de la confusion des projets qui limitent l’utilisation d’outils qui n’ont pas lieu de retenir l’attention, le manque de co-construction dans l’entreprise en général, en interne ou avec son écosystème externe (clients, fournisseurs, partenaires) explique bien souvent la sous-utilisation de ces outils collaboratifs.
Pas de volonté ou de possibilité de co-construire, pas de projets à réussir à plusieurs, pas d’outils qui puissent être utilisés naturellement. Encore une fois, cette capacité de co-construction s’appuie en particulier sur un objet à réussir ensemble, autrement dit sur une finalité clairement identifiée et partagée par tous. C’est donc encore une question de sens.
À la recherche du sens partagé ?
Un projet qui a du sens n’est pas nécessairement un projet qui sert des intentions humanistes, sociales ou encore écologiques… Qu’on le regrette ou non. De façon plus empirique, posons qu’un projet qui a du sens pour quelqu’un, est un projet qui est « compatible avec ses valeurs » et qui « sert ses ambitions ». Et ce, quelles que soient les valeurs et les ambitions en question…
Les communautés : une forme d’organisation « boostée » par les Nouvelles Technologies
Des communautés extrêmement puissantes se sont créées depuis la révolution numérique. Non seulement, « l’outil numérique » a généré leur création en leur offrant un lieu où naitre et grandir, mais de plus, il permet dorénavant de les faire agir et transformer concrètement le monde réel. Les plateformes participatives tendent à changer la donne dans de nombreux domaines.
Les communauté de valeurs et d’ambitions : la puissance des organisations de demain ?
La véritable révolution numérique peut se lire dans la puissance et la légitimité que prennent ces nouvelles formes d’organisation humaine aujourd’hui. Elles supplanteront probablement beaucoup d’organisations existantes – syndicats, partis politiques, associations, etc.. Or, cette puissance repose quasi exclusivement sur une « communauté de valeurs et d’ambitions… » rendue possible par les NTIC. D’où la question suivante : qu’en est-il de l’entreprise ?
L’entreprise doit-elle devenir communautaire pour subsister ?
Doit-elle donc intégrer les Nouvelles Technologies si elle veut être créatrice de valeur et puissante ? Mais alors, doit-elle repenser tout son mode d’organisation pour pouvoir le faire ? Pour pouvoir donner du sens ? Travailler sur ses valeurs au-delà de l’aspect marketing ? Revoir ses ambitions pour générer l’adhésion réelle ? Nombreux sont ceux qui en sont dorénavant convaincus.
L’entreprise « prisonnière » ?
Et si ces notions de valeurs et d’ambitions partagées étaient en train de devenir le véritable enjeu stratégique de la performance de l’entreprise, bien au-delà des questions éthiques elles-mêmes ?
Si c’est une évidence dans l’univers des Startup et des jeunes entreprises liées au monde numérique, la question est probablement plus complexe pour les grandes organisations « traditionnelles », qui dégagent encore assez de valeur pour rester dominantes et limiter les remises en question d’un système qui fait encore ses preuves, quoi qu’on en dise, en tous les cas sur le plan financier… Pour combien de temps encore ?
…
Merci.
Tres bonne synthese qui m’a structure…une nouvelle marche dans ma reflexion.
P H T.
« pas d’usage, sans projet, sans finalité », pas plus sans analyses des besoins et des pratiques collaboratives et/ou de coopération effectives dans la ‘vraie vie des organisations, dont les entreprises’.
Oui, les outils numériques offre des opportunités interactions, de partage d’informations, de mise en relation, de dynamiser des réseaux de personnes,…
Mais pour devenir concret, l’idéal collaboratif’ doit être passer au crible des pratiques in real life, des utilisateurs cibles,de leurs besoins, de leur mode de fonctionnement, de leur mode organisationnel. Ce préalable étant réalisé, les outils collaboratifs peuvent être déployés avec et au services des utilisateurs, pas dans un idéal collaboratif, mais transposés à une réalité.
Le succès des plateformes participatives tient notamment de mon point de vue, à l’offre de services en réponse à des besoins, des pratiques de la vie courante: Se déplacer, acheter\vendre des biens, rechercher un logement,s’alimenter, s’informer,… Également à leur ergonomie, leur accessibilité.
Si le pourquoi donne du sens, le quoi ‘que vais je faire avec cet outil dans le cadre de mon activité professionnelle et la plus-value ‘ que vais-je y gagner (du temps, de l’agilité, des relations, de l’information pertinente,…) sont tout aussi important.
NB : Je tire ces enseignements de la fondation d’un Réseau social territorial à usage professionnel rassemblant plus de 1500 comptes d’utilisateurs de plus de 350 structures : RECOLTE en Nord-Pas de Calais.